Freda, liberté ou la mort.

J’ai vu Freda, le film de Gessica Geneus.

Je vous donne mon avis même si personne ne m’a rien demandé. 

Le pitch

Freda vit en Haïti depuis sa naissance, dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Sa chambre qui se trouve au dessus du petit magasin alimentaire qui permet de faire vivre toute la famille est son royaume qu’elle partage avec sa soeur Esther et son frère. 

Jeannette, la mère devenue très pieuse les élève seule. Face aux défis du quotidien, faut-il partir ou rester ? Le film de Gessica m’a fabuleusement marquée car il fait écho au livre que j’ai écrit. Voici pourquoi. 

Un film choral 

Le film offre pléthore clés de lectures. On pourrait parler de la récurrence des violences sexuelles sur mineurs dans un pays qui glorifie le  patriarche. La première scène en noir et blanc en caméra objective m’a bouleversée. On pourrait aborder la misère sociale, économique où les dysfonctionnements d’une société aux inégalités sont criantes. On pourrait souligner le poids écrasant de la corruption. On pourrait insister sur le déracinement, l’arrachement à sa patrie. 

Mais Haïti c’est aussi un pays où l’art fleuri à chaque coin de rue. Les bons mots, la poésie, la danse, la sensualité sont omniprésents. 

Un film d’une subtilité brut de décoffrage

Pas de chichi. Droit au but. En créole. Pas de figure de style. On montre la vie sans fard telle qu’elle. C’est peut-être parce que Gessica vient du monde du documentaire mais elle n’en fait pas trop. La caméra s’attarde sur l’essentiel, les visages fatiguées, les piaules délabrées, la force de celles qui luttent avec un regard féminin qui ne quémande rien mais qui dit tout d’une société largement patriarcale. 

Un film féministe

Un triple portrait de femmes : une mère et deux sœurs entourées d’autres figures féminines, la grande tante, la cousine etc … Les hommes sont absents ou lorsqu’ils sont là, ils sont mauvais, lâches et inutiles. Les femmes, colonnes vertébrales à la vie font ce qu’elles peuvent avec les moyens qu’elles ont. C’est bien marche ou crève ! Elles courent ! Port-au-Prince est mal nommé. Port-aux-Reines aurait être dû être son nom. 

Freda,— Nour Films

Le poids des croyances 

Je me revois trainer mon corps et mon âme à l’église le dimanche pour aller écouter les prêches des pasteurs. Un supplice. On ne dit pas si Esther et Freda sont croyantes mais l’on devine facilement qu’elles n’ont pas le choix d’être incroyantes. La mère est fière de présenter (vendre) au pasteur (blanc et américain) sa plus jolie fille.  Freda, à côté, n’hésite pas à rappeler que son prénom a été choisi pour rendre hommage à une Divinité féminine du Vaudou, cette religion importée naguère par les esclaves Béninois. Sa mère refute cette explication. Elle est désormais du côté de la lumière. 

Le poids de la famille 

Le destin de Freda est intimement noué à sa famille. D’ailleurs, ils vivent ensemble dans une pièce exiguë où l’intimité n’est possible. Même lorsque la soeur est partie, elle est revenue. Bien que la mère préfère le fils, qu’elle accepte de fermer les yeux sur le comportement de sa fille (qui offre son corps et sa jeunesse à des hommes riches) Freda aime plus que tout cette famille. Elle en est le ciment. D’ailleurs, elle nettoie, range et prépare le repas pour tous tandis qu’elle lutte contre le déterminisme en s’accrochant aux études. Elle refuse de suivre son amant dans son projet migratoire. Mais est-ce parce qu’elle aime sa famille ou son pays qu’elle s’obstine ? Très certainement un peu des deux. Espérons que son intelligence, son courage et sa poésie lui permettent de vivre la vie qu’elle mérite ! 

La disparition

La scène la plus troublante du film fait écho à une disparition dans Je ne suis pas ta mère. Impossible de vous en dire. Pour comprendre, il faut voir le film et lire le livre. (sorry)

Un petit bémol 

J’aurais aimé entendre plus de musiques et sentir les odeurs de cette terre qui me manque. 

Qu’en avez-vous pensé ? Est-ce que vous partagez le même avis que moi ?

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